Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
l'imagination au pouvoir
7 janvier 2019

quelques frissons ?

Ad mortem aeternam

 

Je suis passé par la fenêtre et l’ai vue dormir. Elle était engoncée sous sa couette, on ne voyait que la tête, pas même son cou. Son lit devait être bien douillet… Je me suis matérialisé auprès d’elle, ai renforcé son sommeil. Puis j’ai opéré. J’ai baissé la couette de façon à dévoiler le cou et ainsi à l’atteindre. Elle dormait toute nue.  Ça m’a troublé, alors je n’ai pas descendu tout à fait la couette. Avec cette fenêtre à moitié ouverte, elle aurait pu prendre froid. Malgré mon trouble, j’ai fait comme à mon habitude. Je l’ai légèrement tournée sur le côté, et son  cou s’est offert à moi. Je n’ai plus hésité, et j’ai bu. Absolument délicieux. Une vivante bien nourrie, jeune… Je reviendrai. J’ai remonté la couette, et suis parti à tire d’aile, par la fenêtre.

Je suis effectivement revenu, dès la nuit suivante. Mais elle ne dormait pas, elle lisait. Il devait être un peu plus de minuit. Alors, de la fenêtre, discrètement, je l’ai observée. Elle avait de beaux cheveux noir corbeau, un port de reine. Cette fois, elle portait une chemise de nuit. La jeune femme était fine, avait de jolies épaules. Je me suis senti tout chose. Je ne ressentais pas vraiment la faim. Elle était bonne et je voulais y revenir. De plus, peu de gens dorment la fenêtre ouverte, par ici. Comment entrer dans les maisons, autrement ? Les cheminées étaient passées de mode. Donc, j’ai attendu mon heure. Je considérais cette fille comme une aubaine, mais…  Enfin, comme elle baillait, elle posa son livre pour dormir. Enleva sa chemise de nuit, et  éteignit la lumière. J’ai attendu encore un peu, puis me suis approché, un œil sur la fenêtre toujours entrouverte. J’ai pénétré dans la chambre, et, silencieusement, je lui ai envoyé le sommeil. J’ai alors baissé la couette. Les deux trous rouges de la veille apparurent. Je l’ai de nouveau bue, mais il y avait un goût… Plus ça allait, moins c’était bon. Finalement, j’ai sauté.

-          Pouah !

-          Nom d’un pétard ! Il me semblait bien !

Horreur ! Ça l’avait réveillée ! J’ai voulu me dissoudre, n’y suis pas parvenu.

-          Alors c’est ça que cela vous fait… fit la jeune femme avec un demi-sourire.

Je  voulus me gargariser, émis un borborygme, puis me mis à tousser.

-          Oh nom de Dieu ! fis-je. Qu’est-ce que c’est que cette saleté ?

-          C’est de l’excellente cuisine méditerranéenne, à l’aïl.

L’aïl ! Je compris d’un coup. C’était plus subtil que le pieu dans le cœur. Ma gorge me faisait mal. Je toussai encore. Comment me sortir de là ?

-          Vous… vous ne me verrez plus, voulus-je promettre.

-          Oh, ce n’est pas le problème… Moi, je vous trouve bel homme.

-          Je ne suis pas un homme.

-          Vous ne me ferez pas croire que vous n’avez rien entre les jambes.

Je me sentais de plus en plus gêné, la gorge en feu. Bon sang, que faire ? Je tâchai de me reprendre. Courus enfin à la fenêtre, et vomis tripes et boyaux. La jeune femme jubilait.

-          Ça va mieux ?

-          Je… Non !

Et je vomis encore. La tête m’en tourna.

-          Vous m’avez mordue. Vais-je devenir comme vous ?

J’étais toujours plus gêné. Très embêté. Je devais être encore trop jeune, pour le moment.

-          Je crois, répondis-je. En fait, à la troisième morsure, si je ne me trompe.

-          Vous avez l’air si jeune…

Je dus admettre la vérité.

-          Je suis dans le métier depuis peu de temps. Il faut bien que je me sustente.  Et que je fasse de nouveaux disciples.

-          Bon, eh bien j’en suis. Dans le fond ça m’arrange. Ma mort sera peut-être plus excitante que ma vie.

Quoi ? Je n’y comprenais rien. Cette fille était d’une beauté à damner un saint, et elle mangeait de l’aïl et s’offrait presque à moi.

-          Que voulez-vous dire par là ?

-          Je vis dans ma cuisine et dans les livres. Je vois peu de monde, j’ai juste un marmiton avec moi dans la cuisine. Je peux à peine bavarder avec les clients de mon restaurant. Ça n’arrête pas. Et je n’ai pas d’homme dans ma vie. Je n’en ai jamais vraiment eu d’ailleurs. Je n’ai qu’un chat chapardeur. Cela dit, il est adorable.

-          Vous tenez le restaurant avec votre marmiton ? fis-je alors sur le ton de la conversation.

-          Non, avec mon frère. Il est à la caisse et au service, et une serveuse l’aide. Je vous plais ?

Rien à faire. J’étais décidément sur des charbons ardents. J’espérais que quelqu’un vienne me tirer de ce mauvais pas. En moi, j’implorai toute la confrérie de mes semblables. Ma gorge allait un peu mieux, mais la situation me gênait horriblement. La jeune femme et moi nous regardions. Elle attendait une réponse. Et j’avais peur de lui répondre par l’affirmative. La fenêtre était toute proche. Je fis un geste pour sortir.

-          Répondez-moi, ou je ferme la fenêtre !

-          Je crois qu’il faut que je vous morde une troisième fois, pour que vous soyez comme moi.  Mais vous me rendez malade.

-          Je vous ai demandé si je vous plaisais.

-          Oui, soufflais-je.

A ce moment précis, le vent ouvrit grand la fenêtre.

-          Ladislas !

Je respirai mieux. Le grand manitou avait exaucé ma prière ! Il endormit la jeune femme, dont les yeux s’étaient écarquillés en le voyant.

-          Merci, ô grand Vladimir !

Je tombai à genoux.

-          Relève-toi, Ladislas. Explique-moi ce qu’il se passe.

Je le fis. Vladimir regardait la cuisinière.

-          Celle-là a plus d’un tour dans son sac… dit-il enfin. Est-ce qu’elle te plaît ?

-          Malheureusement, fis-je tout piteux.

-          D’accord. Je vais la mordre, mais elle sera à toi. Par contre, tu dois apprendre à  gérer tes frustrations.

-          Oui, ô grand Vladimir.

-          Va-t-en et laisse-moi faire.

Je ne sais pas bien comment notre grand Vladimir s’y prit, mais trois nuits plus tard, la jolie cuisinière était à moi. Depuis, nous avons appris beaucoup de choses tous les deux, y compris l’amour. Je la trouvais si belle ! Et elle le resta. Moi aussi je restai jeune et beau. En nous débrouillant bien, l’éternité sera pour nous. A vrai dire, les événements ont prouvé qu’elle était plus maligne que moi. D’ailleurs, elle n’a jamais besoin de notre grand manitou. C’est moi qui me ferai pincer, si cela arrive, et pas elle… Au fait, dois-je encore me méfier d’elle ? Je ne sais plus, je suis si heureux dans ses bras !

 Claire M., 2014

Publicité
Publicité
Commentaires
l'imagination au pouvoir
  • Entrez donc dans l'un des royaumes de l'imagination, la mienne, où vous croiserez êtres fantastiques, âmes en peine, beaucoup de chats... Vous pourrez y trouver d'autres aventures, ou jouer avec moi, les mots... Le continent des lettres est si vaste !
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Archives
Publicité