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l'imagination au pouvoir
3 février 2019

conte moderne

L’enfant et les oiseaux.

 

            Il était une fois un petit garçon, Petit Pierre, qui n’avait guère que cinq ou six ans,  très insouciant. Il habitait dans une belle maison avec sa maman, son papa, ses deux frères et sa petite sœur. Les pauvres parents avaient bien du mal à tenir leurs mouflets, le père avait un travail qui rapportait, c’est pourquoi il n’était pas souvent là. La mère travaillait aussi, car il fallait bien joindre les deux bouts, avec quatre enfants. Si la maison était grande et belle, le jardin ne consistait qu’en quelques mètres carrés, et y poussait ce qui pouvait pousser, c’est-à-dire surtout de mauvaises herbes. Seule la haie était à peu près entretenue, et très haute pour qu’on ne puisse pas voir qu’on s’occupait à peine du jardin, par manque de temps.

 

            Ce jour-là, la jeune nounou, mademoiselle Agathe, venait de distribuer le goûter aux trois frères. Elle alla coucher la petite pour sa sieste. Petit Pierre faisait la tête : son goûter ne lui plaisait pas. Il restait à le regarder, là, dans ses mains, et faisait la moue.

-          Tu ne manges pas ?

Petit Pierre avait quand même faim, et il allait mordre dedans, mais ses deux aînés virent bien que c’était à contrecœur. Jacques le lui chipa.

-          Mon goûter ! Aga-athe !

-          Tais-toi ! lui dit Jacques. On l’a bien vu, que tu n’aimais pas ça !

Petit Pierre en convint, et n’osa plus appeler sa nounou, de peur d’être grondé. Il quitta la pièce, et alla s’asseoir dans le jardin. Son jardin lui semblait bien triste, et, comme toujours, son regard se portait sur les magnifiques arbres fruitiers des jardins environnants. Le pommier de la vieille voisine, surtout, attirait son attention.  On était alors à la fin de l’été, et les pommes superbes, lui semblaient briller au soleil. Mais cette vue le rendait triste, car cette voisine passait pour être une affreuse sorcière, et tout le voisinage en avait peur. Il est vrai qu’elle était vieille, fort laide et qu’elle avait très mauvais caractère : lorsque quelque chose dans le quartier n’allait pas, c’était inévitablement de sa faute. Aussi, la maman de Petit Pierre, sachant qu’il était assez facile de passer d’un jardin à l’autre, avait-elle défendu à ses enfants d’y aller, par peur des représailles.

 

            Mais ce jour-là, l’estomac de Petit Pierre en décida autrement. N’y tenant plus, il escalada le muret qui séparait les deux jardins, et grimpa dans le vieux pommier, où les oiseaux chantaient joyeusement. Petit Pierre tremblait un peu, car il n’avait pas l’habitude de monter aux arbres. Il se retenait où il pouvait, cherchant à atteindre une pomme, une seule. Il avait du mal à avancer, les branches craquaient sous lui, et avant même qu’il n’atteigne le fruit, ce qui devait arriver arriva : la vieille voisine, qui avait une ouïe encore particulièrement développée pour son âge, survint, son balai à la main. La première chose qu’elle regarda, fut le pommier.

-          Ah, tiens ! s’exclama-t-elle, de sa voix cassée, resserrant son balai tout contre elle.

Petit Pierre sursauta, mais il se retint aux branches. Les oiseaux s’arrêtèrent subitement de chanter également : ils venaient d’apercevoir le gros chat de la vieille femme. Ce dernier bondit dans le jardin en voyant les oiseaux.

-          Belzébuth ! s’écria la vieille femme.

Petit Pierre n’en menait pas large, et n’osait pas ouvrir la bouche.

-          Et toi, tu te crois malin ? l’interpella la vieille.

Belzébuth griffait joyeusement le tronc du pommier, voyant et les oiseaux, et le petit, qui se faisait encore plus petit qu’il n’était. La vieille jura contre son chat, contre tous les êtres de la création, et se retourna vers sa maison, sans lâcher son balai.

-          Je… je m’excuse, madame… articula Petit Pierre.

-          Ta ta ta ! fit celle-ci. Puisque tu sais grimper aux arbres, tu sauras bien en redescendre tout seul !

Et elle rentra chez elle, refermant la porte-fenêtre.

 

            Petit Pierre était tout honteux. Il n’avait même pas pu atteindre une pomme. Il s’assit sur sa branche et se mit à pleurer. Un oiseau vint alors sur la branche voisine, et inclina sa tête, comme ça, vers Petit Pierre qui pleurait toutes les larmes de son corps.

-          Cui cui ? hasarda l ‘oiseau.

Mais Petit Pierre ne l’entendit pas. Belzébuth, en revanche, réagit au quart de tour. Il bondit sur l’arbre, et se retrouva sur le ventre de Petit Pierre, qui sursauta puis, dans un mouvement d’humeur, et se retenant toujours aux branches, repoussa le chat, qui tomba lourdement sur terre en grognant. Les oiseaux eurent  de « cui cui » joyeux, Petit Pierre pensa avoir entendu des rires et un sourire illumina son visage. L’oiseau perché à côté de lui inclina de nouveau la tête vers lui :

-          Cui cui ?

Petit Pierre le regarda tout étonné, et il vit tous les oiseaux se rassembler autour de lui. Il y eut de longs « cui cui cui cui cui cui », l’un d’eux se posa sur sa main, Petit Pierre lui caressa doucement la tête.

-          Cui cui !

L’oiseau s’envola vers ses compagnons, il y eut une discussion, des ailes se dirigeaient vers Petit Pierre, et deux petits oiseaux se détachèrent du groupe, volant vers la plus belle pomme de l’arbre, qu’ils la détachèrent soigneusement, et ramenèrent à Petit Pierre comme ils purent.

-          Oh ! Merci ! s’écria le jeune garçon.

Les oiseaux firent des façons, de longs « cui cui », et Petit Pierre disait «Merci ! Merci ! » Il se mit enfin en devoir de descendre de l’arbre, sous les yeux attentifs des oiseaux. Une fois dans son jardin, Petit Pierre avala bien vite sa belle pomme, et les oiseaux ne le quittaient pas d’une semelle. Ils étaient à ses pieds, et piquaient par terre. Petit Pierre finit par se demander ce qu’ils faisaient. S’allongeant à quatre pattes dans l’herbe, il regarda attentivement les oiseaux. L’un d’eux marcha résolument vers lui, pointa son bec vers le trognon, puis vers l’endroit où ils «piquaient ». Petit Pierre comprit vite, leur confia son trognon et courut chercher sa petite pelle qu’il utilisait dans les bacs à sable. Muni de cet objet, il creusa un petit trou, où les oiseaux déposèrent délicatement le trognon. Puis ils s’en allèrent en piaillant, laissant l’enfant avec sa pelle. Petit Pierre en fut tout déconcerté, mais reboucha bravement le trou.

 

            Les oiseaux passèrent de nouveau au-dessus du muret, et virent Belzébuth qui, déçu, s’était finalement mis en position sieste. Ils fondirent sur lui, piaillant toujours, Belzébuth miaulait, et la vieille, alertée par le vacarme, arriva derrière sa porte-fenêtre, curieuse, mais toujours son balai à la main. Elle vit clairement les oiseaux manœuvrer pour que Belzébuth passe sa patte derrière l’oreille, et fit coulisser la fenêtre. Elle allait glapir après les oiseaux, mais ça y était, le chat avait passé sa patte derrière une oreille, et ils s’envolèrent vers des cieux plus cléments, tandis que Belzébuth, piteux, rentrait chez sa maîtresse. Un nuage obscurcit alors le soleil, et, peu de temps après, il pleuvait à verse. Petit Pierre rentra chez lui en courant, et courut ranger sa petite pelle.

 

            La vieille voisine ne souffla mot à personne de l’incident, et Pierre ne dit jamais rien non plus, trop content de s’en être finalement tiré à si bon compte. L’incident était même complètement oublié, lorsque, cinq ans plus tardl, Pierre s’aperçut qu’il y avait bel et bien un arbre dans son jardin. A l’été, il était tout chargé de fruits : c’était des pommes. Des oiseaux étaient venus chanter dans l’arbre. Pierre se souvint alors de sa mésaventure. Il pensa, par reconnaissance pour les petits oiseaux, leur y installer une petite mangeoire, ce qui fut fait. Il cueillait des pommes, surveillait la mangeoire. Mais les oiseaux ne lui firent jamais l’honneur de leur présence, et Pierre dut se résoudre à ne plus jamais les voir manger à sa table.

 Claire M. 2001

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