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l'imagination au pouvoir
26 juin 2019

aventures mythologiques

Les mésaventures de Thésée.

 

-          Ne vous en faites pas, chers compagnons : je vais faire en sorte que nous en réchappions tous, déclara Thésée une fois à bord du bateau vers la Crète. Mon épée en témoignera !

Et il la tira de sa ceinture. Mais les sept femmes n’étaient tout de même pas rassurées, tremblaient. Chaque homme en prit une dans ses bras, y compris Thésée, qui avait confiance en l’avenir. Sept hommes, sept femmes, voilà ce qui était destiné au terrible fils de Pasiphaé, la reine de Crète. Et Thésée avait choisi de prendre dans ses bras la plus belle des sept.

-          Là, ça va aller… lui susurra-t-il.

-          Sais-tu bien ce que tu fais, noble compagnon ?

-          Bien sûr, répondit Thésée sans hésiter même une seconde. J’ai déjà vaincu pas mal de monstres, et tu pourras être ma reine, en sortant du labyrinthe.

Et Thésée crâna tout au long du voyage, rassurant tout le monde. A vrai dire, il était le plus âgé de la troupe, mais il portait beau et plaisait toujours aux femmes.

 

Ils arrivèrent sans encombres en Crète, à la cour du roi Minos, qui les accueillit avec empressement. Quand le tribut demandé arrivait, une fois par an, la reine Pasiphaé préférait se faire oublier : c’était elle qui avait engendré le Monstre… Aussi personne ne la vit. En revanche, leurs filles, Phèdre et Ariane, se montrèrent sans aucune honte. Elles étaient jeunes, belles, fraîches. Thésée en oublia aussitôt son flirt du voyage, et les dragua toutes deux – mais séparément tout de même. Ce soir-là, Phèdre fit de beaux rêves ; mais Ariane se mit à se tourner les sangs, prise d’amour pour le beau prince athénien, et réfléchit toute la nuit.

Le lendemain, Minos vint saluer les jeunes gens, avant qu’ils ne partent au labyrinthe pour servir de repas à son occupant.

 

-          Dédale, dépêche-toi ! crisa Ariane. Il faut que Thésée puisse sortir du labyrinthe ! Ils vont partir incessamment !

-          On n’est pas censé en sortir, princesse…

-          Donne-moi une idée, au moins !

-          Retourne à ton métier à tisser, femme !

Ariane, au désespoir, quitta la pièce. Et il fallait faire vite, car une fois le tribut annuel parti, il n’y aurait plus de moyen de communiquer entre eux. Mais il y eut alors un froufroutement d’ailes, quand Ariane arriva près de sa tapisserie.

-          Je peux t’aider, fit une petite voix.

-          Qui me parle ?

Ariane n’en pouvait plus, regarda de tous côtés. Un dieu minuscule, ailes aux pieds et caducée à la main, lui apparut. Le messager des dieux lui montra le métier à tisser.

-          Le fil, Ariane. Pour sortir du labyrinthe.

-          Nom de nom ! Je ne sais trop qui vous êtes… mais merci !

-          Appelle-moi en cas de besoin. Code Hermès !

-          Merci !

Et Hermès disparut. Ariane fit très vite, saisit sa plus longue pelote de fil, et courut l’apporter à Thésée, arrivant telle une dea ex machina, complètement échevelée.

-          Ariane ! s’exclama Thésée en la voyant.

-          Nous nous reverrons ! Prenez ceci.

Et Ariane mit discrètement la pelote de fil dans la main de Thésée.

-          Mais que voulez-vous que j’en fasse ?!

-          C’est le seul moyen que j’ai trouvé pour sortir du labyrinthe. Et revenez-moi vite !

-          Oh, princesse de mon cœur !

-          Shhh… pas devant mon père.

Les lèvres de Thésée effleurèrent les longs cheveux noirs d’Ariane, et le groupe des quatorze jeunes gens partit en direction du labyrinthe, menés par Minos, qui les laissa à l’entrée. On entendait des cavalcades à l’intérieur, et Thésée s’avança le premier.

-          Courage, mes amis !

Et il entra, l’épée au clair. Les six autres hommes le suivirent. Mais…

-          Par tous les dieux ! Le fil !

Thésée s’arrêta, pour le fixer à un pilier avant qu’ils ne soient perdus. Six femmes le virent faire, rassérénées en voyant cela. La septième, quant à elle, se jura qu’elle en appellerait aux dieux pour se venger, quand elle sortirait de là. Elle n’était plus si emballée par ce bellâtre qui contait fleurette à toutes les femmes qu’il croisait… Puis tous progressèrent dans le labyrinthe, à la queue-leu-leu, les femmes derrière. De temps en temps, on entendait courir, mais rien ne venait vers la petite troupe. Les femmes, inquiètes, se demandaient à quelle sauce elles allaient être mangées, ne reconnaissant pas, de ce fait, les bruits d’enfants qu’elles entendaient ; et les hommes étaient trop bêtes pour les reconnaître eux aussi, pas même Thésée. Ce dernier, en tête de file, finit par brailler :

-          Montre-toi, Minotaure ! Viens donc tâter de mon épée !

Il n’entendit pas les petits rires joyeux. A part cela, et le léger bruit de leurs sandales sur le sol, le labyrinthe était silencieux. La voix de Thésée s’éleva de nouveau :

-          Aurais-tu peur de moi, Minotaure ?!

Pas de réponse. Tous s’étaient tus.

-          Avançons, murmura enfin un homme.

Thésée approuva du geste, et ils continuèrent à marcher, toujours plus profond dans le labyrinthe, qui restait illuminé sporadiquement par des torches.

-          Ah, j’en ai marre ! s’énerva enfin Thésée. Où es-tu, Minotaure ? Tu te débines ?!

C’est alors qu’ils entendirent une femme rire. Dire qu’ils furent surpris serait un euphémisme : les hommes en restèrent comme des imbéciles, et les femmes en eurent des rires nerveux.

-          Je vous en prie, avancez, entendirent-ils alors.

Thésée se reprit le premier, fit un pas en avant, se heurta à un mini-minotaure.

-          Papa vous attend.

Les quatorze jeunes gens furent rejoints par une véritable petite troupe d’êtres mi-taureaux, mi-humains. Les plus âgés, déjà assez baraqués pour les mâles, prirent les sept femmes par la main.

-          Au nom de Zeus tout puissant ! s’exclama Thésée, de plus en plus étonné.

Mais les « taurillons » les entraînaient, et ils se retrouvèrent dans une des pièces du labyrinthe. Devant un bon feu, des jeunes filles mi-femmes, mi-taureaux filaient sur leurs métiers à tisser, ou escaladaient les bibliothèques pour choisir leurs lectures. Une femme parfaitement humaine se leva pour accueillir le tribut d’Athènes. Elle était encore belle, bien qu’elle parût son âge, entre quarante et cinquante ans, ses cheveux virant du noir au gris.

-          Bonjour jeunes gens, je m’appelle Aglaé, je suis la femme du Minotaure. Vous êtes ici dans notre pièce à vivre.

-          Vous vous fichez de moi ?! Je veux tuer le Minotaure, et sortir d’ici avec gloire et honneur !

La femme et les enfants éclatèrent de rire.

-          Vous ne tuerez personne, monsieur. Mon mari n’est pas celui que vous croyez.

-          Monsieur ?! Je suis Thésée, prince d’Athènes, et pourfendeur de monstres ! Quant au Minotaure, il a… Non mais ?!

-          Tiens maman, voici l’épée du monsieur.

Les six autres hommes, à la fois mortifiés, et un peu soulagés, en tombèrent assis. Le flirt de Thésée éclata de rire.

-          Et que va-t-il nous arriver ? demanda une autre femme.

-          Nous allons vous expliquer. Minotaure chéri ! Notre tribut annuel est là !

Atterré, Thésée se mit à regarder ses pieds, et eut un gros soupir.

-          Et mon épée ? demanda-t-il alors qu’un fort bruit de sabots retentissait.

-          Nous vous la rendrons, mais plus tard, répondit Aglaé. Aucune goutte de sang ne sera versée.

Les treize compagnons de Thésée dressèrent l’oreille, surpris.

-          Mais qu’allez-vous faire de nous ? demanda un homme.

-          Me voici, dit une voix grave, et le Minotaure apparut, soufflant par les naseaux.

Sauf Thésée, les jeunes Athéniens eurent un mouvement de recul. Le Minotaure, avec sa tête de taureau énorme, ses sabots aux membres inférieurs, d’une carrure humaine impressionnante et pourvu d’une queue bovine, faisait son effet.

-          Il ne vous sera fait aucun mal, dit-il en s’asseyant sur le fauteuil large que sa femme lui avança. Je ne mange pas de chair humaine, ni moi, ni les miens. Mais personne ne doit le savoir, ou ce labyrinthe ne sera jamais entretenu, et je devrai montrer mon visage. Je sais, mesdemoiselles, que je fais peur.

Le flirt de Thésée eut un rire nerveux, mais les six autres femmes respirèrent.

-          Et donc ? demanda Thésée, croisant les bras sur sa poitrine et prenant un air de défi.

-          Vous n’êtes qu’un prétentieux, déclara tranquillement le Minotaure, et Thésée s’étrangla de rage, voulut lui sauter dessus mais deux adolescents minotaures lui retinrent les jambes.

Un homme se leva alors, fit une courbette.

-          Je ne comprends pas, dit-il. Dans ce cas, que faisons-nous ici ?

-          Vous veillerez à ce que le labyrinthe soit entretenu, chasserez pour vous et pour moi, et il y a suffisamment de femmes et d’hommes, dans ces couloirs et en-dessous, pour faire des enfants. Vous pouvez être heureux ici.

-          En-dessous ? releva Thésée.

-          Il faut bien caser tout ce monde-là, et les enfants… fit Aglaé. En outre, des plantes y poussent, les lapins et les chèvres y pullulent…

-          Oh ! s’exclamèrent les jeunes gens, à l’exception de Thésée.

-          C’est une vie sans gloire !

-          Nous la choisissons ! Vous, faites ce que vous voulez. Ces jeunes femmes sont bien faites… reprit l’homme qui avait parlé le premier.

Thésée bouillait de plus en plus, d’autant qu’il n’avait pas son épée.

-          Nous n’avons que faire d’un aventurier, dit la femme qu’il avait draguée. Sors si tu veux, mais les dieux t’en châtieront !

-          Excellente idée, approuva le Minotaure. Mais sortez tout seul, puisque vous êtes si malin et si brave. Mais si vous parlez de moi, mon père, Poséidon, saura vous faire taire.

Thésée lança un cri de rage, et le Minotaure, Aglaé et leurs enfants éclatèrent  de rire. Les treize jeunes gens de son groupe, soulagés, se levèrent tous, pour aller vers la petite famille du Minotaure.

-          Voyez-vous, Thésée, reprit Aglaé, mon mari n’est un monstre que physiquement. Il a une très belle âme et n’a jamais tué un homme sans défense.

L’interpellé était au supplice, se retrouvant seul dans son camp, et désarmé de surcroît. Il eut néanmoins un sursaut.

-          Si vous me rendez mon épée, je ne serai pas un homme sans défense !

-          Cela ne sert à rien de me tuer, je suis le fils d’un dieu, et donc immortel. En outre, j’ai une famille immense. Et puis… voulez-vous regarder toute ma bibliothèque ? La réclusion me laisse aussi du temps pour lire…

-          Compagnons, allez-vous rester là ?

-          Si fait, lui répondit une femme, puis elle se tourna vers le Minotaure et sa femme. Aglaé, Minotaure, savez-vous lire tous les deux ?

-          Oui, et je vous apprendrai, répondit Aglaé, comme je l’ai appris à tous les enfants du labyrinthe. Mon mari et moi sommes pour l’égalité hommes-femmes.

-          Peuh ! Rendez-moi mon épée, je m’en vais.

-          Il ne sait pas lire ! s’esclaffèrent les petits minotaures.

-          J’ai plus intéressant à faire ! Je sais lire, mais je me moque des livres !

-          Vous avez tort, déclara le Minotaure de sa voix de basse. Vous apprendriez énormément sur l’esprit humain. Et c’est précisément à cause de gens comme vous que je dois me cacher. Chasseur de monstres !! Mais le monstre, Thésée, c’est vous ! Miros, Dalis, rendez-lui son épée, mais d’abord, suivez-le sur les premiers mètres.

Les fils du Minotaure obéirent, et Thésée commença à suivre son fil, le rembobinant au passage, à l’instigation de Miros et de Dalis, le tout en maugréant. Enfin, les deux jeunes minotaures le laissèrent.

-          Ariane vous attend, lui souffla alors la petite voix d’Hermès à l’oreille, et Thésée sursauta.

-          Ne me faites pas perdre le fil ! Qui est là ?

-          Ne vous en faites pas, je le tiens, moi.

Et le petit dieu le précéda. Enfin :

-          Voici votre roi, princesse.

-          Thésée ! Mon héros !

-          Le… hem ! Non, rien. A vaincre sans péril, on triomphe sans gloire, fit Thésée, heureux de la formule.

-          Mon frère, pas dangereux ?! Allons !

Pour ne pas répondre, Thésée se jeta sur Ariane et échangea avec elle un furieux baiser.

-          Je vous embarque, princesse. Allons sous d’autres cieux.

-          Je vous suivrai jusqu’au bout du monde, mon héros… Hermès m’en est témoin.

-          Partons ! Mon bateau nous attend.

 

Ils embarquèrent donc, mais peu après, le ciel s’assombrit, et la mer devint grosse. Ariane avait déjà le mal de mer, et son état s’aggrava. Thésée, la voyant ainsi, ne la trouvait plus si jolie… Un des marins vint le voir.

-          Maître, il faut que nous accostions quelque part, pour attendre la fin de la tempête. Naxos n’est pas loin. Qu’en pensez-vous ?

Thésée regarda Ariane, occupée à décharger le contenu de son estomac dans la mer, et répondit :

-          Oui, vous avez raison. Allons à Naxos.

Le bateau vira sur le côté, et Ariane fut projetée au sol. Thésée, assez dégouté, l’aida à se relever, lui désigna un endroit où elle pourrait s’asseoir.

-          Aidez-moi ! gémit-elle.

Mais Thésée était gauche, se fit traiter d’empoté, et évita de peu l’accès de nausée d’Ariane. Morose, il se posta à la proue du bateau. On apercevait à peine Naxos, à cause des nuages, mais la perspective d’y arriver le rassurait. Le pilote faisait ce qu’il pouvait et, une heure plus tard, ils accostaient. Thésée porta Ariane à terre et, sur l’herbe, elle se remit. Enfin, elle s’endormit. Les couleurs lui revenaient peu à peu, et la nuit tomba enfin. Le pilote du bateau devait affronter la mauvaise humeur de Thésée. Les autres hommes de l’équipage s’éparpillèrent sur l’île.

Ils firent du feu près de la jeune femme endormie et, ayant attrapé chacun un lapin, ils les firent rôtir. La bonne odeur de viande grillée réveilla Ariane, qui fut heureuse de s’en voir proposer. Après le repas, elle était déjà plus enjouée. Thésée, quant à lui, se reprenait peu à peu, regardait moins Ariane. Elle s’écarta pour aller se rincer dans la mer, puis se rhabilla, se réinstalla près du feu, et se rendormit.

 

Le lendemain matin, Ariane se réveilla alors que le feu mourait. Les hommes n’étaient plus là.

-          Thésée ? Thésée !

Pas de réponse. Elle se leva, le chercha sur l’île. Lentement, les nuages s’écartaient, laissant place au soleil. Alors qu’Ariane se rendait tristement à l’évidence, ne voyant plus le bateau, le dernier nuage s’en alla, et un être flamboyant, des sarments de vigne à la main, apparut.

-          Bonjour, jolie Ariane. Que faites-vous ici, seule ?

-          Oh, vous le savez sans doute mieux que moi… Etes-vous Zeus ?

-          Non, je suis Dionysos. Tenez, voici de quoi manger. Voulez-vous venir avec moi ?

Ariane le regarda de travers, tout en prenant les raisins.

-          Et être doublement abandonnée ?

-          Là où je vous emmène, plus personne ne vous abandonnera. Vous pouvez remercier Hermès, et mon cœur. Voulez-vous être ma déesse ?

Ariane croqua quelques raisins avant de répondre.

-          Au point où j’en suis…

-          Le voyage sera moins pénible, avec moi.

-          Vraiment ?

Dans le cœur d’Ariane, un espoir apparut.

-           Bien sûr. Les dieux ne se déplacent pas sur des bateaux… Votre amant finira sa vie sans gloire, je vous en réponds. Il sera lâchement assassiné.

Ariane eut un grand sourire.

-          Alors je vous suis. Merci, ô Dionysos !

Et le dieu la prit dans ses bras, pour aller couler l’éternité tout en haut de l’Olympe, ensemble.

Et le Minotaure ? Eh bien, il lut cette histoire, et rit beaucoup en la racontant à ses arrière-petits-enfants…

 

© Claire M., 2019

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Commentaires
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  • Entrez donc dans l'un des royaumes de l'imagination, la mienne, où vous croiserez êtres fantastiques, âmes en peine, beaucoup de chats... Vous pourrez y trouver d'autres aventures, ou jouer avec moi, les mots... Le continent des lettres est si vaste !
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