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l'imagination au pouvoir
8 septembre 2019

encore un petit tour à la mer...

Rêves marins

 

-          Tu y es, Charles ?

-          Si fait, mon vieux ! Je rajuste mes palmes, et on y va. On va voir le monde de tes rêves !

-          Oh, je n’ai fait que l’entrevoir… Sommes-nous suffisamment loin ? Je veux aller très, très profond dans le gouf, déclara Jean-Luc.

-          Et moi aussi je suis curieux.

Les deux amis échangèrent un sourire, puis Charles sauta le premier dans l’océan.

-          Nous avons deux heures d’air, rappela-t-il.

-          Ça va. C’est parti !

Et les deux hommes plongèrent. Ils y allèrent très progressivement ; Jean-Luc, étant apnéiste, était prévenu, et Charles était un plongeur chevronné, d’ailleurs il donnait des cours en piscine durant l’année. Alors ils prirent leur temps, voulant découvrir les mystères du gouf. Les autres êtres qui vivaient là ne leur prêtaient pas attention, et Jean-Luc les regardait à peine. Cela l’intéressa davantage quand ils s’enfoncèrent dans l’Atlantique, la faune étant quelque peu différente. Enfin, au bout d’une demi-heure environ, ils parvinrent à des roches, où se cachaient des poissons, des crustacés. Tous deux observaient, fascinés. Au  loin, ils aperçurent des requins-marteaux qui leur semblèrent imposants. Ils leur tournèrent le dos, et Jean-Luc entraîna son ami au milieu des roches. Charles s’émerveillait, mais ne touchait à rien.

Il y avait comme un défilé dans ces roches, et tous deux l’empruntèrent en évoluant dans l’eau, plutôt que de poser les palmes. Il faisait sombre, alors les deux hommes restèrent l’un près de l’autre pour ne pas se perdre de vue. Ils se reculèrent instinctivement, en voyant apparaître une baleine, majestueuse. Charles tapa sur l’épaule de Jean-Luc, lui  montrant quelque chose.

-          Nom d’une pipe ! faillit s’écrier Jean-Luc.

La baleine n'était pas seule ; et en plus, il y avait quelqu’un sur son dos, une femme. Mais à cette distance, les deux hommes ne distinguaient pas bien la forme de ce quelqu’un. Si bien qu’ils se regardèrent. Jean-Luc fit signe qu’ils y allaient, qu’il n’avait pas peur. Charles répondit de même, et ils allèrent plus vite, après avoir regardé leurs montres. Ils entendaient aussi un chant, profond, très beau, dans ces abysses, et se sentirent comme envoûtés par l’endroit où ils se trouvaient. Jean-Luc se sentit chaviré, et Charles ne valait guère mieux. Ils fermèrent les yeux, secouèrent la tête, rouvrirent les yeux.

Dans l’eau bleue-noire, des bulles jaillissaient, et ils se dirigèrent dans cette direction. Un long bras fin leur fit signe, d’une anfractuosité, et ils obéirent à ce qu’ils prirent pour une injonction. Charles et Jean-Luc rasèrent les roches, puis se retrouvèrent happés par quelque chose, et entrèrent dans une immense grotte.

-          Bienvenue messieurs ! En quête d’émotions fortes ? fit une voix cristalline, et en outre, ils entendirent rire.

-          Que vous êtes imparfaits ! fit une autre voix.

Mais les plongeurs, dans leurs combinaisons et avec leurs bouteilles, se trouvaient dans l’impossibilité de parler.

-          Venez ! fit la créature qui leur avait adressé la parole la première.

Et la sirène se dévoila. Une queue fine, verte, se déroula. Elle était blonde, comme une Lorelei, se dit Jean-Luc, qui avait du sang du nord de l’Europe dans les veines. Il regarda Charles, qui haussa les épaules, l’air de dire : « Au point où nous en sommes… » Alors ils suivirent la sirène. D’autres encore apparurent. La grotte se subdivisait en plusieurs « pièces », et de plus en plus de bulles s’en échappaient. De grosses bulles, que les sirènes semblaient façonner, tout en parlant et en riant.

-          Regarde celui-là ! Il rêve qu’il va être papa !

-          Et cet autre, qui fait du skate au Canada !

-          Moi, j’ai une jeune femme qui rêve d’un prince arabe…

Et elles montraient les bulles. Jean-Luc et Charles étaient fascinés par ce qu’ils voyaient et entendaient.

-          Et Charles qui me disait que j’allais voir le monde de mes rêves... pensa Jean-Luc.

-          Voyez-vous, pourquoi il ne faut pas nous déranger ? Vous êtes imprudents, jeunes hommes, fit une sirène aux dimensions felliniennes, qui s’était approchée sans faire de bruit.

Jeunes hommes ? Charles faillit s’offusquer : lui et Jean-Luc avaient dépassé quarante ans… Il se reprit en se rappelant que les sirènes étaient immortelles, mais avança, faisant signe qu’il ne comprenait pas. Jean-Luc fit chorus à sa manière. La grosse sirène montra les bulles.

-          Vous êtes dans le royaume de la nuit, et voici les rêves des hommes.

Les regards des deux amis allaient de la sirène, vers les bulles de rêves. Charles, en particulier, était envoûté par cette incroyable situation. En tant que Méridional, cette maîtresse sirène lui plaisait, en plus elle ne pouvait empêcher un joli petit sourire. Mais Jean-Luc faillit parler, se reprit à temps et émit quelques petites bulles qui firent rire la sirène.

-          Rêvez-vous, vous aussi ? Avec vos deux jambes, vous êtes des humains…

Charles fit oui de la tête. Jean-Luc se dirigea vers les bulles, et allongea le bras. Charles voulut le rattraper, mais c’était trop tard ; et Jean-Luc se retrouva dans la bulle.

 

-          Oh ! Bonjour ma princesse ! s’exclama-t-il, sortant de l’eau de la Baltique.

-          Esbjörn ! Emmène-moi ! Emmène-moi plus au nord !

-          Il faut que je retrouve mon bateau. Et mes compagnons. Comment vous appelez-vous, vous qui connaissez mon nom ?

-          Je vous reconnais à vos boucles folles, à votre prestance. Moi, je suis la princesse Astrid, de Fionie. Je vous attendais, Esbjörn… notre héros… mon héros !

Jean-Luc ne se sentait plus, dans ce rêve. Il s’y serait oublié. Lui, un héros scandinave ? Et les princesses n’existaient plus… Il regarda Astrid, et vit de très belles choses dans ses yeux. Alors il la prit dans ses bras mais, en faisant cela, il se retrouva dans la fabrique du rêve, quelque part dans le cerveau de la jeune femme. Comment avait-il compris qu’elle était princesse ? Etait-ce d’avoir vu un film italien où il l’avait entendu, à tout propos ? La jolie princesse, dans ses atours, ressemblait réellement à Astrid la dormeuse. Celle-ci devait avoir une vingtaine d’années, et dormait en pyjama, quelque chose de pas très féminin, mais elle était jolie, avait des cheveux brun clair. Jean-Luc soupira.

-          Mon héros… ne me laisse pas !

-          Alors, fuyons !

 

Mais la bulle s’échappait de la grotte, et Charles réagit au quart de tour, aidé d’une nuée de dauphins, et de deux jolies sirènes.

-          Sortons-le de là ! disaient-elles, progressant à toute  allure, autour de Charles qui les suivait presque à la même vitesse, de plus en plus inquiet.

 Il atteignit enfin la bulle de son ami, et allongea le bras pour la pousser vers les sirènes, qui l’attrapèrent.

-          Tiens-la bien, Concha !

-          Ils fuient ! Attrape-le, vite ! Je tiens !

La petite sirène avait de fameux biceps, de la force dans les bras, et l’autre perça la bulle d’un ongle. Jean-Luc tomba sur les roches, émit sans le vouloir  quelques petites bulles. Le regard de Charles alla de Jean-Luc, à sa montre. Il était inquiet.

-          Bougre d’idiot ! lança la dénommée Concha à Jean-Luc. C’est très dangereux, ce que vous avez fait !

L’homme resta hébété, bougeant les bras, et Charles sauta sur lui pour qu’il ne se fasse pas mal sur le plancher du gouf. Cependant, les deux petites sirènes attrapèrent chacune un des deux hommes, et les ramenèrent à leur grotte à rêves. La grosse sirène respira, en les voyant revenir à quatre, avec Jean-Luc.

-          Mais qu’avez-vous fait, imbécile ! le tança-t-elle.

Mais il paraissait ivre, et Charles comprit, fit signe qu’ils devaient remonter à la surface. Il lui semblait que les aiguilles de sa montre s’affolaient, et il ne savait plus où ni quand ils se trouvaient.

-          Jamais plus vous ne descendrez aussi bas, entendez-vous ?! pestaient les trois sirènes.

Charles faisait des signes désespérés avec les bras, pour dire qu’ils devaient remonter. Mais elles continuaient de râler.

-          Ce gouf est à nous !

-          Laissez-nous travailler !

Charles ne comprenait plus rien, ne savait qu’une chose : il fallait quitter l’océan au plus vite. Il craignait de plus en plus que Jean-Luc n’en réchappe pas. En désespoir de cause, il le saisit sous les aisselles, pour l’emmener à la surface. Alors seulement, les sirènes comprirent, et la plus grosse lança un appel d’une voix chantante. Très vite, deux dauphins firent leur apparition, et le plus fin se glissa contre Jean-Luc, pour qu’il monte sur son dos. L’homme saisit l’aileron de l’animal, et la grosse sirène dit à Charles d’en faire autant.

-          Et ne revenez pas ! ajouta-t-elle.

Charles remercia comme il pouvait, et ils remontèrent très rapidement, même si cela lui sembla une éternité.

 

-          Nom de Dieu ! s’exclama Charles.

-          Où… où sommes-nous ?

Jean-Luc était tout désorienté, demanda encore :

-          Que s’est-il passé ?

-          Tu m’as fait une belle peur, mon vieux !

-          J’ai… je crois que j’ai rêvé d’une princesse…

-          Moi, je crois que j’ai fait un cauchemar. Ça va ?

Charles se leva le premier, regardant tout autour de lui. Jean-Luc tâtait tous ses membres, tremblant encore.

-          Mon bateau ! s’écria Charles.

-          C’est vrai au fait, nous sommes sur une plage !

-          Je peux te dire où nous sommes. Mais du diable si j’y comprends quelque chose !

-          Attends, je me débarrasse de mon attirail. Et je t’engage à en faire autant.

Jean-Luc reconnut le petit bateau le premier, en train de s’échouer sur le sable.

-          Le bateau est là, dit-il, et Charles respira mieux.

-          Tant mieux. Et nous sommes devant le Centre de rééducation du sportif.

-          Mais que fichons-nous là ?!

-          Le port n’est pas loin.

-          Allons-y. En bateau.

Ils se soutenaient l’un l’autre, en y remontant.

-          J’ai rêvé d’une belle princesse danoise.

-          Et moi, j’ai eu des rêves pleins de sirènes.

Les deux hommes se regardèrent.

-          Mais il fait jour depuis longtemps ! Nous n’avons pas fait la sieste, que je sache ! s’étonna Jean-Luc.

-          Non, puisque nous plongions !

-          C’est incompréhensible. Et je me sens moulu.

-          Je prends la barre.

 

La nuit suivante, Jean-Luc dormit vraiment. Et, au réveil :

-          Hum, Astrid…

-          Qui ça, mon chéri ?! fit sa femme, qui ne s’appelait pas Astrid…

Et Jean-Luc protégea son visage dans l’oreiller…

 

© Claire M. 2019

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